
Activités du SIPAZ (De mi-novembre 2024 à mi-février 2025)
18/03/2025
DOSSIER : « Le Chiapas au milieu d’une spirale de violence armée et criminelle »
28/05/2025
L a relation entre le Mexique et les États-Unis a toujours été complexe, caractérisée par de forts aspects de coopération et d’interdépendance, mais aussi par des tensions commerciales et des conflits de souveraineté particulièrement importants depuis le retour de Donald Trump à la présidence en janvier 2025.
En février, le Sénat mexicain a approuvé une réforme constitutionnelle visant à renforcer les principes de non-intervention et de non-ingérence. Le projet avait été soumis par la présidente Claudia Sheinbaum après que l’administration de Trump a désigné les cartels mexicains de Sinaloa, de Jalisco Nueva Generación, du Golfe, du Nord-Est, la Nueva Familia Michoacana et les Cartels unis comme organisations terroristes, suscitant des inquiétudes quant à une éventuelle intervention d’agents américains sur le sol mexicain. La réforme stipule que « les interventions, ingérences ou tout acte venant de l’étranger » ne seront pas acceptés, en particulier « les coups d’État, l’ingérence dans les élections ou la violation du territoire mexicain, que ce soit par voie terrestre, fluviale, maritime ou aérienne ». Un autre point clé de la réforme est le durcissement des sanctions pour le trafic d’armes. Elle prévoit que toute personne, nationale ou étrangère, impliquée dans la fabrication, la distribution, le transfert ou l’introduction illégale d’armes sur le territoire mexicain sera condamnée à la peine la plus lourde et encourra une détention provisoire. Étant donné que plus de 70 % des armes utilisées par les cartels mexicains proviennent des États-Unis, cette mesure semble viser principalement les citoyens de ce pays.
Début des campagnes électorales pour le pouvoir judiciaire
Les campagnes électorales pour le pouvoir judiciaire ont débuté le 30 mars et se termineront le 1er juin, date à laquelle près de 100 millions d’électeurs auront la possibilité d’élire 881 postes au sein du pouvoir judiciaire fédéral parmi 3 422 candidats. Ce scrutin est le fruit de la réforme constitutionnelle promulguée en septembre par le président de l’époque, Andrés Manuel López Obrador (2018-2024). En réponse, la présidente Claudia Sheinbaum a déclaré que « le Mexique sera le pays le plus démocratique du monde », car il votera pour les trois pouvoirs du gouvernement. Cependant, l’opposition et plusieurs mécanismes nationaux et internationaux de défense des droits humains ont mis en garde contre les risques que ce changement entraînerait, notamment l’ingérence potentielle du pouvoir exécutif et du crime organisé dans le système judiciaire mexicain. Deux semaines après le début de la campagne, l’organisation Defensorxs a identifié, sur son site web « Justicia en la mira » (Justice en vue), au moins une douzaine de candidats accusés d’être liés au trafic de drogue, à des crimes sexuels, à des meurtres ou à des sectes politico-religieuses. Elle a également démontré que diverses stratégies de campagne reposent sur l’appropriation culturelle et symbolique des peuples autochtones. De son côté, la Conférence épiscopale mexicaine (CEM) a exprimé son inquiétude quant à l’élection des juges : « Nous craignons qu’ils ne tombent entre les mains du crime organisé ou d’autres intérets, ou que des personnes n’ayant pas le profil nécessaire soient élues. »
La crise des disparitions se poursuit

Événement de mères qui recherchent leurs enfants disparus, San Cristóbal de las Casas, mai 2025 © SIPAZ
En mars, des manifestations ont eu lieu dans tout le pays dans le cadre de la journée de deuil national pour les disparus après la découverte du centre d’extermination de Teuchitlán, dans l’état de Jalisco. Le site, prétendument utilisé par le Cartel Jalisco Nueva Generación (CJNG) pour éliminer des personnes et pour former des recrues, avait été initialement inspecté par la Garde Nationale en 2024, mais l’enquête étair restée incomplète. Le ranch a été « redécouvert » le 5 mars par le collectif Guerreros Buscadores de Jalisco, suite à une information fournie de manière anonyme. Les membres du collectif ont découvert des fours crématoires, des restes humains et divers objets personnels tels que des chaussures, des sacs à dos et des vêtements. Un survivant présumé du ranch Izaguirre a révélé que les personnes qui n’obéissaient pas aux ordres ou qui étaient considérées comme faibles étaient tuées.
Lors de l’opération de la Garde Nationale de 2024, dix personnes avaient été arrêtées ; cependant, les membres de la Garde Nationale n’ont vu aucun des 1 300 objets désormais découverts. Les preuves montrent que les restes étaient déjà sur place au moment de leur inspection par le parquet de Jalisco. Le parquet général a confirmé que le parquet étatique avait commis de multiples omissions dans son enquête.
Claudia Sheinbaum a réagi à cette affaire en appelant à la prudence avant de tirer des conclusions. Elle a été critiquée pour avoir minimisé le nombre de disparitions et adopté une approche marginalisant les groupes de mères de disparus. Sa stratégie semble chercher à éviter que l’affaire ne dégénère en scandale politique majeur, similaire à celui d’Ayotzinapa, et à minimiser la responsabilité du gouvernement dans la crise des disparitions.

Autel en l’honneur des mères qui recherchent leurs enfants disparus, San Cristóbal de las Casas, mai 2025 © SIPAZ
En avril, le Comité des Nations Unies sur les disparitions forcées (CED) a activé l’article 34 de la Convention contre les disparitions forcées pour la première fois de son histoire, demandant des informations urgentes au Mexique et ouvrant la voie à une intervention de l’Assemblée générale des Nations Unies. L’article stipule que « si le Comité reçoit des informations qui, à son avis, contiennent des indications fondées selon lesquelles des disparitions forcées sont pratiquées de manière généralisée ou systématique sur le territoire sous la juridiction d’un État partie, et après avoir demandé à l’État partie concerné toutes les informations pertinentes sur cette situation, il peut porter la question, en urgence, à l’attention de l’Assemblée générale des Nations Unies.» Olivier de Frouville, président du Comité, a souligné que le Mexique se trouvait dans une « situation préoccupante » et que, par conséquent, il avait été jugé nécessaire de prendre des mesures de précaution.
Sheinbaum a nié l’existence de disparitions forcées de la part de l’État et a indiqué que les disparitions étaient un phénomène lié au crime organisé, tandis que le gouvernement mettait tout en œuvre pour le combattre. Le président du Conseil du Sénat, Gerardo Fernández Noroña, a également critiqué le président du Comité des Nations Unies et a annoncé que des sanctions seraient exigées à son encontre.
Le lendemain, les familles des personnes disparues et les groupes de recherche ont symboliquement fermé le siège du Sénat à Mexico. « Fermé en raison du manque d’engagement envers les familles des personnes disparues » ou « Nier et cacher, c’est faire disparaitre ; plus de 127 000 disparus » pouvait-on lire sur des pancartes accrochées aux grilles entourant le Sénat. Les personnes à la recherche de leurs proches font également l’objet de menaces et d’agressions, avec au moins 27 personnes assassinées depuis 2010. Trois autres chercheurs sont portés disparus.
Défenseur.e.s des droits humains et journalistes : des secteurs menacés
En avril, Article 19 a présenté le rapport « Obstacles à l’information : Défis pour la liberté d’expression et l’accès à l’information », qui expose les principaux obstacles auxquels le Mexique est confronté en matière de liberté d’expression, d’accès à l’information et de violence contre la presse. Ce rapport recense 639 attaques contre la presse enregistrées en 2024, dont cinq assassinats de journalistes. Ce chiffre représente une augmentation de 13,9 % par rapport à 2023, soit une attaque toutes les 14 heures. L’organisation déplore que, malgré la gravité de la situation, « l’année dernière, le Bureau du procureur spécial pour les délits contre la liberté d’expression (FEADLE) n’ait donné un suivi qu’à 84 enquêtes ». L’organisation met également en garde contre la montée du harcèlement judiciaire comme méthode de censure. L’État mexicain demeure le principal agresseur (44,91 % du total).
En avril, le Centre mexicain du droit de l’environnement (Cemda) a présenté son onzième rapport sur la situation des personnes et des communautés défendant les droits environnementaux au Mexique. Il y indique que 25 défenseur.e.s de l’environnement et du territoire ont été assassinés en 2024. 45% d’entre eux appartenaient à des peuples autochtones. Au cours des cinq dernières années du gouvernement d’Andrés Manuel López Obrador et des trois premiers mois du gouvernement de Claudia Sheinbaum, de 2020 à 2024, 1 428 attaques contre des défenseur.e.s de l’environnement ont été enregistrées, dont 189 homicides. Le rapport documente également l’implication croissante des autorités dans ces attaques. Les états du Oaxaca, de Mexico et du Chiapas ont enregistré les taux de violence les plus élevés.
CHIAPAS : « Nous avons construit la paix, nous avançons désormais vers le développement et le progrès », ERA
Le 15 mars, le rapport gouvernemental sur les 100 premiers jours du mandat d’Eduardo Ramírez Aguilar (ERA), intitulé « 100 jours de vie en paix », a été présenté à Tapachula. Lors de son discours, le gouverneur a souligné les enjeux de sécurité et les grands projets d’infrastructure. Concernant la sécurité, il a déclaré que le Chiapas se classait au deuxième rang des états les plus sûrs du pays et que la présidente de la République avait salué sa stratégie de sécurité mise en œuvre et l’avait invité à une réunion avec d’autres gouverneurs afin de discuter des moyens de reproduire ce modèle. Les entrepreneurs et les producteurs du Chiapas ont déclaré avoir constaté « un changement dès les premiers jours ; des opérations ont été menées et une surveillance accrue a été instaurée, mais la criminalité persiste. Tant que cela se produira, l’économie stagnera. »
Pour sa part, le Centre des droits humains Fray Bartolomé de las Casas (Frayba), dans le cadre de son 36e anniversaire, a déclaré : « Il est important d’insister sur le fait qu’il n’y aura pas de paix tant que les groupes armés liés au crime organisé et aux groupes de pouvoir enracinés depuis des décennies dans l’état du Chiapas, ne seront pas démantelés, poursuivis et désarmés. (…) La paix n’est pas une pause ou un répit avec moins de confrontations ; elle est liée à la construction de processus de justice. »
Parmi les projets économiques prioritaires d’ERA : l’autoroute San Cristóbal-Palenque
En février, à Bachajón, dans la municipalité de Chilón, le gouverneur Eduardo Ramírez Aguilar a participé à la consultation publique pour la construction de l’autoroute Palenque-Ocosingo, un projet approuvé à l’unanimité par les ejidos présents.

Conférence de presse de MODEVITE et du gouvernement communautaire de Chilón, San Cristóbal de las Casas, avril 2025 © SIPAZ
Plus tard, le Mouvement pour la défense de la vie et du territoire (Modevite), composé de personnes Tseltals, Tsotsils et Chols de 13 municipalités des régions des Hauts Plateaux et de la Jungle du Chiapas, a exprimé son opposition à l’autoroute : « Nous ne voulons plus de destruction de la Terre Mère et de notre culture. Aujourd’hui, nous nous manifestons à nouveau contre un projet qui cherche à nous dépouiller de nos territoires riches en eau, en arbres et en vastes ressources naturelles. Un projet qui cache toujours la même histoire : le colonialisme, le racisme et la promotion des intérêts des grandes multinationales, des entreprises extractives, des narcotrafiquants et du gouvernement. »
De son côté, le gouvernement communautaire de Chilón a signalé que « certaines communautés ont reçu des menaces de la part d’ingénieurs prélevant des échantillons du sol, les avertissant que si elles ne les laissaient pas faire, la prochaine fois elles seraient accompagnées » par des agents de la Force de réaction immédiate Pakal (FRIP), « générant ainsi peur et effroi au sein de la population ». Il a également déclaré que le projet « était entaché d’irrégularités et de violations de nos droits en tant que peuples autochtones, car des études de sol ont été réalisées sans notre consentement et sans information préalable sur les raisons et l’usage qui en serait fait ». Il a ajouté que « certaines autorités communautaires prennent leurs propres décisions sans consulter les communautés et ne soumettent pas de rapports sur le processus de construction de l’autoroute, violant ainsi le règlement intérieur de nos ejidos ». Il a précisé : « Nous ne sommes pas contre le progrès ; en tant que peuples autochtones, nous comprenons et croyons au lekil cuxlejal (bien vivre), qui n’est pas possible en nous piétinant, en nous détruisant et en nous volant notre territoire. »
En mars, une consultation publique intitulée « L’autoroute est à nous, la route des cultures mayas » a été organisée par le gouvernement dans les municipalités de Palenque, Ocosingo, Chilón, Salto de Agua et Tumbalá. Les autorités ont annoncé qu’avec plus de 39 000 voix en faveur, la construction du premier tronçon de l’autoroute San Cristóbal-Palenque avait été approuvée. Il est important de souligner qu’il s’agissait d’une consultation publique et non d’une consultation autochtone, avec les exigences que cela impliquerait.
En réponse, les membres du MODEVITE et du gouvernement communautaire de la municipalité de Chilón ont exprimé leur rejet du projet, ainsi que des consultations populaires. Ils ont indiqué avoir déposé deux injonctions (amparos) en raison de lacunes juridiques dans le droit à la consultation et du manque d’informations publiques sur le projet lui-même. Ils ont souligné que les communautés directement affectées par l’autoroute n’avaient pas été consultées et que la majorité des votants étaient des résidents des chefs-lieux municipaux.
Pèlerinages, déclarations, rencontres et autres efforts organisationnels
Du 13 au 19 avril, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a organisé une Rencontre d’art, de rébellion et de résistance. L’événement a débuté au caracol Jacinto Canek (municipalité officielle de Tenejapa), puis dans les locaux du CIDECI Uni-Tierra à San Cristóbal de las Casas.
Plus de 1 000 artistes venus de 28 localités différentes y ont participé, présentant diverses formes d’art telles que la danse, le chant, le cirque et l’artisanat, entre autres. Lors de la cérémonie de clôture, le sous-commandant Moisés a dénoncé la présence d’agents de la Garde nationale et de la Force de réaction immédiate Pakal (FRIP) devant les locaux du CIDECI Uni-Tierra. En mai, après plusieurs mobilisations nationales et internationales, deux membres de l’EZLN, José Baldemar Sántiz Sántiz et Andrés Manuel Sántiz Gómez, ont été libérés. Ils avaient été arrêtés le 24 avril dans la municipalité d’Aldama. L’EZLN a déclaré : « Cette libération de nos deux compañeros innocents est le fruit d’un triple effort : celui des défenseurs des droits humains, celui de la solidarité et du soutien nationaux et internationaux, et celui de la justice autonome. »
En avril, le Réseau pour les droits des enfants et des adolescents du Chiapas (REDIAS) et la Déclaration féministe communautaire ont dénoncé le féminicide de deux femmes tsotsiles, âgées de 18 et 14 ans, dont les corps ont été retrouvés à San Juan Chamula. Ils ont affirmé qu’il s’agissait d’un féminicide et ont catégoriquement rejeté la position du Bureau du Procureur général de l’État, qui l’a qualifié de « crime passionnel ». Ils ont estimé que ce type de classification revictimise les victimes et ignore la violence sexiste comme cause structurelle des meurtres. Ils ont indiqué qu’au cours des trois premiers mois de l’année, 452 dossiers d’enquête ont été ouverts pour des crimes contre les femmes, dont sept homicides, quatre tentatives d’homicide, quatre féminicides et quatre tentatives de féminicide.
En mai, à l’occasion de la commémoration du premier anniversaire du massacre de 11 personnes par des groupes criminels, dans l’ejido Nuevo Morelia, à Chicomuselo, un pèlerinage a été organisé par les familles des victimes et plus d’un millier de membres du diocèse de San Cristóbal. Ils ont déclaré : « Nous traversons une période difficile, marquée par une grande douleur, une grande indignation et un profond désarroi face à la réalité des violences que nous avons subies et dont nous continuons d’être victimes. Depuis de nombreuses années, nous dénonçons la vague d’injustices, les violations de nos droits humains et collectifs, ainsi que le pillage des ressources minières, et nous n’avons jamais été entendus. » « Nos voix ont été réduites au silence par les armes, nous avons été contraints de servir de barrière humaine lors d’affrontements entre groupes criminels, nous avons été agressés par ceux qui étaient censés garantir la sécurité de notre peuple, nous avons été contraints de fuir nos communautés pour sauver nos vies, nous sommes revenus, non pas parce que les conditions de sécurité étaient garanties par l’État, mais par peur de perdre notre patrimoine », ont-ils ajouté. « On a beaucoup parlé de la paix qui est arrivée dans notre peuple, mais de par notre foi et notre espérance, nous savons que la paix n’est pas un simple mot, mais naît de la justice (…) en tant que peuple du Chiapas, nous avons besoin d’une paix véritable, qui ne soit pas synonyme de militarisation, une paix où les gens puissent être libérés de la violence, des menaces et de l’intimidation, où l’État de droit soit rétabli pour tous », ont-ils souligné.
OAXACA : l’un des états les plus touchés par les attaques contre les défenseur.e.s des droits humains
En février, l’Union des communautés autochtones de la zone nord de l’isthme (UCIZONI) a signalé la fermeture temporaire de ses bureaux en raison ds menaces et du climat de violence contre ses avocats dans la région. Cette décision faisait suite à l’embuscade tendue contre trois personnes assassinées le 13 février dans le cadre du conflit agraire entre Santo Domingo Petapa et San Juan Mazatlán Mixe. Elle a également exigé la fin des campagnes de stigmatisation de leur travail de défense des droits humains.
De même, en février, Cristino Castro Perea a été assassiné à Barra de la Cruz. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (ONU DH) a souligné que depuis 2023, son collectif « Défenseurs de l’environnement de Barra de la Cruz » bénéficiait du Mécanisme fédéral de protection des défenseurs des droits humains et des journalistes. Il a appelé les autorités à garantir la protection des membres du collectif et à mener une enquête rapide et efficace. L’assassinat de Castro n’est pas la première attaque contre les défenseurs dans la région : en 2021, le leader communautaire José Castillo Castro a également été attaqué ; et en 2018, Noel Castillo Aguilar, du Comité de défense des droits des autochtones (Codedi), a été assassiné. Ces deux crimes restent impunis.
En mars, la défenseure zapotèque Silvia Pérez Yescas a signalé de multiples attaques et menaces de la part de groupes armés locaux. De même, la fondatrice de « Femmes autochtones pour la conservation, la recherche et l’utilisation des ressources naturelles » (CIARENA) a signalé que l’organisation restait fermée pour la même raison.
En avril, les corps de la militante autochtone mixe Sandra Estefana Domínguez Martínez et de son mari, Alexander Hernández Hernández, ont été retrouvés à Veracruz. Ils étaient portés disparus depuis octobre 2024, peu après que Sandra eut dénoncé des violences sexistes contre des femmes autochtones ayuuk de la part d’autorités du Oaxaca. Face à cette nouvelle, les proches de Sandra et les organisations qui la soutiennent ont déclaré : « Après 206 jours d’angoisse, des nuits interminables et une lutte acharnée pour la retrouver, aujourd’hui, le cœur brisé, nous confirmons avoir retrouvé Sandra. (…) Elle restera à jamais reconnue comme une défenseure infatigable. En tant que femme ayuuk, elle avait embrassé la défense de son peuple et de toutes les femmes autochtones victimes de violences ou de discrimination. »
Egalement en avril, Emelia Ortiz García, membre du Mouvement unificateur de lutte triqui (MULT), a signalé que son domicile avait été perquisitionné et que des preuves de violences, ainsi que des effets personnels, avaient été volés. Elle a souligné qu’à deux autres occasions, des inconnus s’étaient introduits dans les lieux où elle conservait ses affaires, volant des documents relatifs à des cas de membres du MULT assassinés ou disparus.
Toujours en avril, plus de 20 organisations nationales et internationales se sont manifesté pour exiger la fin du harcèlement et de la criminalisation de 24 membres des communautés Ayuujk et Binizaa, qui s’opposent à l’imposition du corridor interocéanique de l’isthme de Tehuantepec. « Face au manque d’attention portée à leurs revendications, ils ont mené des actions légitimes pour défendre leurs territoires et leurs projets de vie, ce qui explique qu’ils soient aujourd’hui confrontés à des procédures judiciaires inéquitables visant à faire taire leur résistance », ont-elles déclaré.
En avril, le deuxième Forum de défense du territoire et de la propriété sociale au Oaxaca s’est tenu à Santa María Atzompa, avec la participation de représentants de 30 organisations sociales et de 72 communautés. Ils ont dénoncé le fait que « la deuxième étape de la Quatrième Transformation utilise un double discours. D’un côté, elle parle de développement et de bien-être pour les populations, alors qu’en réalité, elle n’a fait qu’accentuer l’avancée du développement industriel à des fins extractives. » Ils ont ajouté que « nous assistons à un pillage à ciel ouvert où la légalité se conjugue à la violence du crime organisé. »
GUERRERO : « Violence imparable, impunité totale »
En avril, Marco Antonio Suástegui, dirigeant du Conseil des ejidos et communautés opposés au barrage de La Parota (CECOP), a été blessé par balle à Acapulco. Il est décédé quelques jours plus tard des suites de ses blessures.
« L’assassinat de Marco Antonio Suástegui Muñoz est un événement désastreux pour le mouvement social du Guerrero et un signal d’alarme pour les militants sociaux qui luttent pour les droits des populations oubliées et persécutées de notre état. Ce contexte de violence qui engloutit notre état et où nous sommes pris en otage par la criminalité est un grave indicateur de l’effondrement des institutions étatiques et de la capitulation des autorités qui renoncé à faire valoir l’État de droit », a déclaré le Centre des droits humains Tlachinollan dans le bulletin « Violence imparable, impunité totale ».
Peu après, Samantha Valeria Colón Morales, épouse du militant disparu Vicente Suástegui, a signalé des menaces de mort à con encontre suite au meurtre de son beau-frère, Marco Antonio Suástegui. On lui a dit que son mari, Vicente, avait déjà disparu, que Marco Antonio avait été assassiné et qu’elle serait la prochaine victime.
Dans un nouveau combat pour la défense des terres et du territoire, les tensions ont refait surface ces dernières semaines entre les habitants de Carrizalillo et la société minière Equinox Gold, troisième multinationale à extraire de l’or en 20 ans d’exploitation minière dans cette zone. Selon l’ejido, cette mesure vise à faire pression sur la communauté pour qu’elle signe un nouvel accord d’occupation, qui réduirait les loyers de 65 % et supprimerait les prestations sociales, notamment l’aide à l’achat de médicaments pour la population affectée par la pollution atmosphérique et d’autres facteurs liés à l’exploitation minière. L’ejido a demandé à l’entreprise de « démarrer rapidement le processus de restauration et de réhabilitation de nos terres, de notre flore et de notre faune, ainsi que les mesures d’atténuation nécessaires pour contenir l’augmentation des émissions et des dommages environnementaux, le tout conformément au cadre réglementaire ».
Près de 100 organisations canadiennes, plus de 66 réseaux et organisations mexicains et 31 autres de 12 pays ont adressé une lettre à Equinox Gold pour exprimer leur inquiétude face aux menaces, aux violences et aux poursuites judiciaires visant la communauté de Carrizalillo dans le cadre de la renégociation du bail. Elles ont déclaré que « les représentants de l’état de Guerrero ont participé aux pressions et à l’imposition de l’accord, manquant ainsi à leur devoir de protéger les droits de la communauté ».
À l’occasion de la Journée internationale des femmes (8 M), des milliers de femmes ont manifesté au Guerrero pour exiger la fin des violences et des féminicides. Selon l’Association du Guerrero contre la violence faite aux femmes, entre 2022 et 2025, 432 homicides contre des femmes ont été commis dans cet état. Dans le cas de la zone Montaña, Tlachinollan a déclaré que « les autorités municipales, étatiques et fédérales ne s’intéressent pas à la violence contre les femmes. Tlachinollan a recensé 130 féminicides entre 2006 et 2025, mais les institutions n’ont pas mené d’enquête. Au contraire, elles ont refusé de rendre justice aux victimes. Les féminicides se produisent en toute liberté, en toute impunité. »